mardi 28 septembre 2010

L’artisanat, une belle pratique qui tend à disparaître

Cotonou, capitale économique du Bénin, est une grande ville en pleine mutation du point de vue de la communication. On peut très bien y observer le réel duel numérique/artisanat qui explose aux yeux des passants. La différence de réalisation des enseignes, banderoles, panneaux publicitaires... se fait surtout en fonction des quartiers. Par exemple, les murs de Ganhi, le centre des commerçants de Cotonou, sont remplis de Vinyle qui remplace petit à petit le travail à la main subsistant dans les quartiers plus modestes.

Mon projet est basé sur la découverte de cet art qu'est l'artisanat, qui persiste durement au Bénin. 


Qui se cache derrière de si belles enseignes ?


vendredi 24 septembre 2010

Les tissus mouvants




Comment parler du travail graphique béninois sans évoquer les pagnes ? Ces tissus de plusieurs couleurs, aux motifs divers et variés, faits de détails en tous genres, sont partout. Sur les habits sur-mesure des passants, ceux des personnages peints sur les enseignes, en tant que coiffe, en tant que décoration sur les fauteuils, les coussins... Il y a là une volonté bien certaine de garder un héritage culturel propre à l'Afrique de l'Ouest. 

Une enseigne de Kola.
On les achète principalement dans les grands marchés comme Dantokpa ou Missebo à Cotonou. Des étalages énormes se tiennent les uns à côté des autres, avec des piles interminables de pagnes variés. Dans ce genre d'endroit, l'œil ne sait véritablement plus où se poser tellement l'esthétique du lieu est forte et tellement celui-ci est attiré par chaque petit détail environnant. Les couturières, que l'on trouve à chaque coin de rue, voient ensuite arriver différents tissus pour confectionner des vêtements fait sur-mesure. 








Et c'est comme ça que la rue devient elle-aussi très plaisante pour le regard : des milliers de petits bouts de pagnes tous différents et plein de couleurs s'agitent sous nos yeux, à la vitesse des Zem défilant devant nous.



jeudi 23 septembre 2010

Les minutes élastiques

J’ai appris, dès mon premier jour à l’atelier de Thierry et Zoul, la signification des «minutes élastiques». On prend son temps, on est toujours en retard, mais quand il faut travailler, on travaille. Sans stress. Sans montre ou autre élément perturbateur. Il est bien loin le lapin blanc pressé d’Alice. Et tant mieux. Le travail est parfait. Alors que demander de plus ?! Ahhh... où se situe le Paradis, le savez-vous ?




mercredi 22 septembre 2010

Vieilles enseignes entreposées et délicates subtilités d’ateliers

Amevo est un grand peintre spécialisé dans les planches de coiffures, et donc les visages. Mais quelle est notre surprise quand à notre arrivée, celui-ci est en train de composer une enseigne avec des lettres qu’il a découpées dans du vinyle. Thierry s’empresse de lui dire que son travail à la main est bien plus riche. Amevo nous montre alors son atelier bondé d’enseignes en tous genres et de peintures qui traduisent le plaisir et la personnalité de son travail, contrairement aux lettres en vinyle que l’on retrouve partout...


 
Les images suffisent pour traduire le plaisir et et le ravissement que j’ai pu ressentir rien qu’en observant les quelques merveilles déposées ici et là dans les différents ateliers.


Mais il est bon de se poser la question, encore une fois, du pourquoi d’une telle reconversion d’un artiste pareil ? J’ai alors demandé le prix moyen d’une enseigne d’Amevo. Entre 8000 FCFA et 15 000 FCFA... soit entre 12 et 23€... Pourquoi si peu de reconnaissance pour un artiste aux si grandes compétences ? Pourquoi Amevo se résigne-t-il à passer lui-aussi au vinyle, en gâchant la beauté de son travail artisanal ?


Léon, artiste ou artisan ?

D’après Léon, la main ne peut disparaître pour plusieurs raison. Tout d’abord, c’est une question de passion: « Quand on aime quelque chose, on l’aime et c'est tout. C’est donc difficile de s’en séparer. »
De plus, sans homme, la machine n’existerait pas. C’est donc l’homme qui donne des solutions et pas la machine. En ce qui concerne son domaine, le bas-relief, des machines de pré-découpe existent. La sculpture est donc toute taillée au sol, puis collée, mais elle ne résistera peut-être pas aux intempéries. Léon est sûr de son travail artisanal. Il le fabrique entièrement, il peut donc certifier de sa tenue.
Enfin, le travail de machine est un travail de série. Celui qui est fait à la main est un travail d’inspiration, ce qui évite la répétition. « Quand on reprend, c’est toujours différent, parfois plus joli. Chaque nouvelle pièce est une nouvelle création. À la main, on ne cesse de découvrir, de réfléchir. » 



C’est d’ailleurs là que la question « Y a-t-il une différence entre un artiste et un artisan ? » que m’a posée Léon prend toute sa dimension. En effet, certains considèrent que l’artisanat est défini comme un travail de série, à la main. D’ailleurs la définition d’artisanat donnée par l’encyclopédie libre que l’on connaît tous est la suivante « Par extension, un artisan est le créateur d'une chose quelconque. » Quelconque ?! Or, si chaque pièce est conçue avec passion, avec à chaque fois une nouvelle vision, un nouveau sentiment, une nouvelle envie, une nouvelle âme, alors elle devient bien différente de la dernière. C’est donc une nouvelle création. En quoi celle-ci n’est-elle pas alors une œuvre d’art ? Où se trouve réellement la frontière entre artiste et artisan ? Question d’ailleurs bien difficile pour nous, jeunes français, qui ne pouvons presque plus accéder à la pratique d’artisans.

 Léon ne souhaite pas décourager ceux qui optent pour la machine; il admet qu’elle aide beaucoup quand la demande est importante et qu’il serait impossible de prendre les grandes commandes seulement à la main. Et de toutes manières, la machine est bénéfique dans le sens où elle pousse l’artiste à réfléchir et à trouver de nouvelles solutions pour, justement, qu’elle ne remplace pas le travail à la main.
« La machine ne peut pas remplacer l’homme dans sa création, mais ça peut l’aider à réfléchir dans d’autres sens. »

mardi 21 septembre 2010

Les bas-reliefs de Léon

Léon est un artiste bien particulier. En effet, le travail principal de Léon consiste à créer des bas-reliefs en ciment. Francis, dont a parlé plus tôt, peint parfois les lettres pour les bas reliefs de Léon.

Léon use de son art pour différents domaines. Il a par exemple taillé le logo de la mairie du 12e arrondissement, ou encore créé de nombreux décors en bas-reliefs, avec carte blanche, pour un hôtel.


Je l’ai suivi pour la réalisation de l’un d’entre eux. Il pratique un réel travail de passionné, avec de nombreuses qualités à l’appel comme la patience, la minutie, la sensibilité du détail, l’agilité d’un acrobate, ou encore la rapidité de création, lors du séchage du ciment. 

Son procédé est simple et efficace, et il en est arrivé à une telle technique après de nombreuses recherches et essais personnels. Il creuse d’abord la forme dans le mur puis il pose la structure composée de clous et de fils de fer. Ensuite il cimente la structure et travaille ce dernier quand il est encore frais pour pouvoir le modeler au mieux.



« Ce travail, ça vient de moi. Je l’ai approfondi par curiosité, j’ai toujours envie de découvrir. »





jeudi 16 septembre 2010

La preuve en images.

Pour les plus sceptiques d’entre-nous, voici, ci-dessous, la preuve que le vinyle passe bien au soleil.


En effet, le panneau de gauche, en vinyle, date de six mois avant celui de droite. Or, les deux verts devraient être les mêmes. Les jaunes de la typographie aussi... N’est-ce pas ridicule de devoir refaire de tels panneaux ? N’est-ce pas une perte, au final, de réaliser ce genre d’enseignes en vinyle, à reprendre tous les six mois ?

Et qu’en est-il des codes couleurs dans la communication comme le soulève si bien Thierry « On devrait attaquer les grandes sociétés qui changent la couleur de leur logo à cause du vinyle qui passe au soleil » ?

Le vinyle a enlevé au travail à la main la qualité, la justesse et la précision du calligraphe.

L’atelier de Francis.

Comme je l’ai déjà dit plus tôt, un calligraphe, au Bénin, veut dire dessinateur, car, d’après Thierry,
« Quand tu sais dessiner les lettres, tu sais tout dessiner. »

Francis est calligraphe, il fait des plaques, de la peinture, des enseignes lumineuses...


C’est toujours plaisant d’observer les nombreux composants de ces petits ateliers. Comme on peut en trouver au-dessus de la roue arrière des Zem, de petites plaques, aux messages religieux, moralisateurs voire philosophiques, ornent souvent les murent de ces cocons d’artistes-calligraphes.
Se dissimulent aussi régulièrement, soit sur le sol, sous nos pieds, soit derrière d’autres planches en tous genres, celles qui ont servi de support aux banderoles. Et aussi peu probable que cela puisse paraître à la plupart de ces artistes sans prétention, elles révèlent souvent de grandes œuvres très agréables au regard. Par leur composition aléatoire, par leur côté vieilli, sûrement par leur caractère inattendu et modeste...






Pour les enseignes lumineuses, Francis n’opte pas pour le vinyle, mais toujours pour la main, la peinture, et le scotch. En effet, il utilise une méthode qui est exactement l’inverse du pochoir, voire de la sérigraphie. Il découpe d’abord dans le scotch les formes pleines de l’enseigne qu’il veut garder. Puis il peint par dessus et enlève ensuite le scotch. La lumière de l’enseigne allumée passe alors à travers les trous de peinture qui constituent le motif voulu.

Une enseigne lumineuse réalisée par Thierry.Tout le texte a d'abord été scotché et les finitions sont faites à main levée, au pinceau.




Francis, comme beaucoup d’autres calligraphes, réalise aussi des enseignes avec des lettres en relief, elles-mêmes fabriquées dans du plexiglas. Il moule d’abord les lettres dans du bois et les colle ensuite sur l’enseigne.


Yovo

« Yovo, yovo, bonnnn-soir ! Ça va biennnn, meeeer-ci ! » est le petit dicton chantonné par les enfants, que l’on peut entendre, nous les yovos, les blancs, quand on se promène dans les rues de Cotonou et ses environs.





Et ce dicton est toujours suivi de grands éclats de rires. Mais pas n’importe quels rires, des rires d’enfants. Ceux qui te font t’arrêter pour admirer leurs beaux sourires.





 

Les Zem

Les zemidjans (zem), sont des moto-taxis qui circulent dans tout le Bénin. C’est d’ailleurs, et pour sûr, vue la masse de zem que l’on peut voir dans les rues de la ville, le moyen de transport le plus utilisé à Cotonou. Il s’est aussi développé dans tout le Bénin puis au Togo à la fin du XXe siècle.

En Fon, la langue du sud du Bénin (soit la langue locale la plus courante à Cotonou), Zemidjan signifie « emmène-moi vite ». Et en effet, ils vont vite ces zem ! On peut les trouver partout, on sort de chez soi, voire de nulle-part, un zem à chemise jaune nous interpelle tout de suite, pour nous amener à l’endroit exact que l’on cherchait. Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il y ait des crevasses sur la route, qu’il fasse jour ou nuit...

Je crois que c’est avec les zem que j’ai, non seulement appris les négociations, mais aussi appris à les apprécier et compris que si tu ne négocies pas, ce n’est pas drôle, ni pour toi, mais encore moins pour lui ! La plupart des zem que j’ai rencontrés m'ont été très sympathiques, toujours souriants, voire guide-taxi 2 en 1 ! Mais surtout, je n’en ai pas vu un seul ne pas arborer un grand sourire quand je commençais à négocier... Ah, c’est sûr, je me doute que ce doit être bien drôle une petite Yovo (blanche) comme moi, essayer de négocier. Peu importe, le rire est communicatif au Bénin. Et au bout d’un mois, ils sourient toujours autant, mais cette fois-ci, parce qu’ils voient une Yovo qui sait négocier. Alors, c’est toujours un plaisir de monter derrière ces zem. Même s’ils vont vite !

La sensation quotidienne des pieds qui vibrent en descendant des zem me manque.





Thierry et Zoul.

Thierry et Zoul, dont j’ai déjà parlé plus tôt, deux calligraphes multi-tâches et incontournables de Cotonou.

Durant ce projet, ils ont été les deux qui ont le plus défendu la cause du travail à la main. Et pour rien au monde, et bien même s’ils en avaient les moyens financiers, ils abandonneraient leurs pinceaux. Multiples sont leurs arguments...

Zoul
« Ce qu’on fait à la main, ça dit quelque chose aux gens »
« Certains clients aiment garder les tâches de sueur sur les banderoles qu’on leur fait : ça rappelle le courage et l’amour pour le travail qu’a fourni l’artiste, ce qui est très important à dire à la jeunesse. »

Thierry
« Suivre son pinceau avec les yeux, le guider avec les doigts, ça développe l’intelligence, comme un sixième sens... »

En plus de leur rôle important dans la communication béninoise, les deux sont aussi artistes peintres, animent des ateliers pour enfants, font partie d’association défendant l’art... tout ça, toujours d’une manière très positive, avec le sourire, parfois en chantant et toujours en faisant honneur à leurs fortes convictions !


Bien sûr, ils ont beaucoup plus à dire encore, mais, ne dévoilons pas tous leurs secrets tout de suite !




dimanche 5 septembre 2010